vendredi 21 mai 2010

Google : "Notre ambition est d'organiser toute l'information du monde, pas juste une partie"

Cofondateur de Google, président en charge des produits, Larry Page répond aux questions du Monde sur la stratégie du géant américain de l'Internet, ses relations difficiles avec les éditeurs et la protection des données personnelles.
Google a lancé, jeudi 20 mai, Google TV, un système pour connecter son téléviseur au Web, avec Intel, Sony et Logitech. Dans quel but ?

Les gens n'accèdent pas encore au Web depuis leur téléviseur. Internet n'a pas été conçu pour ça, mais ce serait bien que YouTube [propriété du groupe] soit accessible sur cet écran, que l'on puisse y consulter ses courriels. Les gens ont un grand écran, qu'ils ont acheté cher, qui prend de la place, ils aimeraient qu'il sache faire le plus de choses possible !

A la fin des années 1990, Google n'était qu'un moteur de recherche. L'entreprise propose désormais une multitude d'autres services. Vous commercialisez même un téléphone. Pourquoi se diversifier autant ?

C'est tout simple : nous voulons gagner encore plus d'argent ! Avec notre moteur de recherche, nous avons réussi à créer l'équivalent d'une brosse à dent, un outil qui a pris une place importante dans nos vies. Même chose avec GMail [la messagerie de Google], pour le courriel. Tous les produits que nous lançons devraient être comme ça. Voilà notre raisonnement : de quoi les gens ont vraiment besoin, qu'est-ce qui a de la valeur pour eux ? Il y a un autre aspect : quand les entreprises grossissent, souvent elles ne cherchent pas à changer de métier, et emploient des milliers de salariés à faire la même chose. Ce n'est pas forcément très fructueux.

La plate-forme de vidéos YouTube est très populaire. Mais vous n'avez pas encore trouvé le modèle économique...

Les journalistes sont un peu durs : YouTube vient tout juste de fêter ses cinq ans. Cinq ans après sa création, Google avait un chiffre d'affaires comparable. Il faut remettre les choses dans leur contexte. Nous voulons attirer sur la plate-forme des contenus originaux, de qualité, si possible professionnels, pour lesquels les auteurs puissent être rémunérés [par un partage des revenus publicitaires] et pour qui YouTube représente la première source de revenus. Nous n'y sommes pas encore, mais je ne suis pas inquiet.

YouTube sera-t-il rentable cette année ?

Nous ne communiquons pas ces informations. Mais cela ne me surprendrait pas.

Pourquoi le groupe vient-il de renoncer à la vente en direct de son téléphone, le Nexus One ?
L'équipe d'Android [le système d'exploitation pour téléphones mobiles de Google], qui a travaillé sur le Nexus One, a sous-estimé la quantité de travail que représentait la vente en direct. Elle ne disposait pas des systèmes de facturation des opérateurs de télécommunication ni de leurs offres promotionnelles. Néanmoins, le système d'exploitation Android est un succès : en avril, aux Etats-Unis, il s'est vendu plus de téléphones avec ce système que d'iPhone.

Google Docs [logiciel de bureautique accessible gratuitement depuis un navigateur web] devait faire beaucoup de dommages à un des produits phares de Microsoft, Office, mais il n'a pas non plus eu tant de succès. Pourquoi ?

Je suis plutôt satisfait de ce produit. Notre but n'était pas de tuer Office de Microsoft, mais de proposer 80 % des besoins basiques des utilisateurs, avec un produit plus rapide, plus simple. C'est exactement le contraire de la stratégie de Microsoft, qui passe son temps à rajouter des fonctionnalités à Office, mais que très peu de personnes utilisent vraiment. Nous avons beaucoup de succès dans les entreprises, et presque 100 % des salariés de Google utilisent Google Docs en interne. Certes il y a encore une cinquantaine de salariés en interne qui utilisent absolument toutes les fonctionnalités possibles du logiciel Excel, de Microsoft. Eux, je n'arriverai pas à les convaincre, et d'ailleurs, ce n'est pas mon but !

Ne pensez vous pas que Chrome OS, votre système d'exploitation pour PC, va arriver trop tard sur le marché ? Les constructeurs annoncent en effet de plus en plus de terminaux équipés d'Android : systèmes embarqués dans les voitures, tablettes, etc.

Nous nous sommes posé beaucoup de questions en interne. Je pense quand même que les deux systèmes d'exploitation, Chrome OS et Android, sont destines à deux usages ou deux types de terminaux différents. Android a été conçu pour les téléphones tactiles, peu consommateurs en énergie. Les contraintes matérielles pour un ordinateur restent différentes, et Chrome OS pertinent. Vous avez des machines munies d'un processeur de téléphone, qui consomment relativement peu d'énergie, et peuvent tourner sous Android, et d'autres, avec un processeur de PC, qui auront besoin de Chrome OS, qui est optimisé pour ce genre de machines. Eventuellement, nous aimerions qu'ils fusionnent, que n'importe quel système d'exploitation puisse fonctionner sur n'importe quelle machine, mais nous n'y sommes pas encore.

Certains de vos concurrents viennent de lancer des tablettes numériques. Quelle vision vous avez de ce marché ?

Pour moi, à ce stade, les tablettes sont des gros téléphones. Elles ont le même type de processeurs, d'interface tactile. Mais je pense que nous allons aussi assister à l'apparition d'une multitude de terminaux différents, dont beaucoup fonctionneront à partir d'Android, avec des écrans de toutes les tailles.

Vous n'avez pas de réseau social comparable à Facebook. N'est-ce pas un handicap ?

C'est une chose à laquelle nous réfléchissons. Notre réseau Orkut est très populaire au Brésil, mais pas ailleurs. Pour aller plus loin, quand vous vous inscrivez sur Facebook, on vous propose tout de suite d'y amener vos contacts GMail. En revanche, Facebook n'autorise pas l'exportation des membres Facebook dans GMail. Contrairement à nous, Facebook n'est pas vraiment un système ouvert.

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